Skip to main content

8. Une nouvelle chapelle, un ossuaire et un incendie

La chapelle latérale

La chapelle a maintenant cinq cent ans d’existence. En 1492, on est passé du moyen-âge à la Renaissance ; merci Christophe Colomb. Au sortir de la période difficile des XIVème et XVème siècle, l’Alsace recouvre un semblant de calme. Calme très relatif, car si les écorcheurs sont repartis, des détrousseurs de grand chemin reprennent le détestable relais et sévissent dans la région d’Epfig. Henry Mey, à partir du château de l’Ortenbourg voisin, puis du Haut Koenigsbourg se livre à ses exécrables razzias avec l’appui de quelques seigneurs, dans le dernier quart du XVème siècle. Malgré tout, la vie semble reprendre un cours plus normal autour de la chapelle et les autorités religieuses locales éprouvent en 1516 le besoin d’ajouter à l’édifice une toute petite chapelle latérale en pratiquant deux grandes ouvertures dans les murs du chœur et du transept sud.

On se rappelle que la chapelle est desservie de façon avérée par un chapelain depuis 1464. Qu’est ce qu’un chapelain ? C’est un religieux qui avait la charge d’un autel ou d’une chapelle et donc qui disait la messe. Dans l’église paroissiale d’Epfig au Moyen Age, il y avait trois chapelains (un par autel) en plus du curé de la paroisse. Les chapelains bénéficiaient de revenus fonciers accordés au titre de la chapellenie.

Arche

Arche

On voit ici les deux arches qui ont été ouvertes dans les murs, et à l’arrière, la petite construction carrée qui a été rajoutée dans l’angle sud-est de la chapelle. Elle a été consacrée, donc peut accueillir un culte séparé.

Plan de la chapelle en 1516

Pour quelle raison a-t-on rajouté ce petit oratoire à la chapelle existante. En l’absence (encore une fois, hélas) de source écrite, plusieurs explications sont possibles.
La piété religieuse à la fin du moyen-âge était intense, sans doute liée aux périodes troublées précédentes.
La demande de messes devint telle que le clergé n’arrivait pas à suivre la demande. On augmenta donc le nombre de prêtres et de chanoines ce qui obligea en conséquence à fournir de nouveaux lieu de culte ou à agrandir les anciens.
En outre, depuis le XIIIème siècle, et l’invention de la notion de purgatoire, les pécheurs, par crainte de devoir y rester longtemps avant d’accéder au possible paradis, ont ainsi sollicité des messes privées.
Ces cultes devaient se faire dans des lieux séparés d’où l’explosion de chapelles latérales dans les églises et les cathédrales à partir de cette époque.
Peut-être aussi, tout simplement, que la population du hameau avait augmenté.
Mais l’exiguïté du nouvel oratoire (à peine 6 m² !) nous fait plutôt pencher pour la deuxième explication.
Et si on avait voulu juste agrandir la chapelle, était-il nécessaire de procéder à une consécration spécifique ?
En tout état de cause, ne croyez pas ceux qui racontent que cette extension a été réalisée pour célébrer le premier anniversaire de la bataille de Marignan. (1515 pour les étourdis).

Lors d’une consécration, faite en temps normal par l’évêque, on peint 12 croix (de consécration) sur les murs. En 1516, l’évêque était Guillaume III de Hohnstein dont l’épiscopat dura de 1506 à 1541.

C’est aussi sans doute de cette construction que date les nouvelles fenêtres de style gothique qui éclairent encore aujourd’hui le chœur et les deux croisillons du transept.

Fenêtre du choeur qui reprend les codes du style gothique. Elle remplace vraisemblablement un oculus roman d’origine. ->

Clé de voûte gothique de la chapelle latérale avec date et marque lapidaire de l’artisan tailleur de pierre.

<- Une des croix de consécration de la chapelle latérale.

La guerre des paysans et l’ossuaire

Neuf ans après la construction de la petite chapelle, Epfig, et toute la région, va être prise dans la tourmente de la guerre des « Rustauds ». Ce mouvement de révolte de la paysannerie avait un lien puissant avec la nouvelle religion réformée que Luther et quelques autres avaient instituée pour lutter contre les abus du catholicisme. (excès hiérarchiques, vente d’indulgences, taxes exorbitantes, train de vie, perte du sens évangélique) Le protestantisme prônait un retour au message des évangiles et dénonçait une justice perdue. Il trouva donc un écho auprès des paysans alsaciens et rhénans accablés de contraintes par une aristocratie seigneuriale hautaine et une église guère à l’écoute.

Emblème du mouvement paysan : le Bundschuh. C’est sous ce vocable que se réunissaient les révoltés dans la montagne de l’Ungersberg au dessus d’Epfig.

Dans un premier temps invincibles, les troupes paysannes entrèrent dans les villes, dont certaines étaient compréhensives. Mais ils se livrèrent parfois à des destructions.
On pense à l’abbaye voisine de Baumgarten dont nous avons déjà parlé et qui fut rasée.
Les partisans de l’évêque ainsi que la noblesse locale débordée par la révolte firent appel au Duc de Lorraine. Celui-ci arriva par le col de Saverne avec une armée de mercenaires fanatisés. Ce fut un massacre. Le 20 mai 1525, la bataille de Scherwiller scella la défaite des paysans qui laissèrent plusieurs milliers des leurs sur le champ de bataille. D’abord ensevelis dans une fosse commune, ils ont été rassemblés dans un ossuaire construit plus tard sur place. (Le Beinhaus de Scherwiller)
La chapelle Ste Marguerite porte les traces de cet événement. En effet, il semblerait que l’ossuaire qui est adossé au nord de l’édifice comporte, entre autre, les restes de corps qui proviennent de cet affrontement.
Une étude de 1977 sur 250 crânes a en effet révélé des blessures de masses et de lances sur un certain nombre d’entre eux.
Une tradition locale voudrait qu’on ait rapatrié à un moment donné les ossements (des paysans du hameau?) à la chapelle.

L’ossuaire de la chapelle

L’ossuaire actuel date du XIXème siècle. Mais il a été construit sur les fondations de ce qui pourrait être l’ossuaire initial.

L’incendie de 1601

En 1601, un incendie endommagea gravement la chapelle. Il semblerait que le plafond en bois de la croisée de transept qui était la seule partie non couverte en voûte de pierre se soit enflammé et que l’incendie se soit propagé à la tour du clocher. Une reconstruction « à l’identique » fut entreprise mais cette fois-ci en remplaçant le plafond fautif par une voûte d’ogives gothique.

Sur le pignon ouest, une inscription rappelle cet événement.